Comme je vous en ai parlé dans les articles précédents, les manga shônen et shôjo sont deux
mondes complètement distincts, au niveau du thème, du style de dessin, de la mise en page,
de la disposition de vignettes, etc. (Si vous connaissez pas encore les manga shônen et shôjo,
vous pourrez vous renseigner en lisant les articles sur wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Manga_shoujo_et_manga_shounen) et également mes articles sur One piece et Sawako (http://mangacritique.canalblog.com/archives/2012/06/29/24605558.html et http://mangacritique.canalblog.com/archives/2012/07/02/24623942.html)

Mais si ces deux mondes se rencontrent ? Ore-monogatari !! (dessin de Aruko et scénario de
Kazune Kawahara) est un manga shôjo qui joue justement sur l’incompatibilité de ces deux genres
de manga. Le personnage principal de ce manga est un garçon (il ne faut pas s'en étonner outre
mesure, il y a beaucoup de shôjo dont le personnage principal est masculin), mais ce qui est
nouveau, c’est le dessin de ce personnage.

(image de Takeo, juxtaposée à celle de Suna, grand ami de ce premier, dessiné exactement dans le
style shôjo)

Si vous connaissez Slum Dunk de Katsuhiko Inoue, vous pourrez voir une ressemblance entre
le personnage d’Akagi (surnommé Gori, c’est-à-dire le gorille) et le héros de Ore-monogatari.
Normalement l’esthétique du manga shôjo ne permet pas qu'un personnage dessiné de cette façon,
typiquement shônen, apparaisse dans un shôjo quelconque. Le manga shôjo refuse tout ce qui n’est
pas joli (bien sûr le choix entre ce qui est joli et pas joli est arbitraire et partial).

(image d’Akagi)

Donc, le personnage principal d’Ore-monogatari, Takeo, produit un effet comique et sarcastique.
Normalement ce procédé de mélange des genres est utilisé pour faire un manga gag. Le lecteur
est d’abord attiré par ce côté comique du manga. Mais, plus le lecteur avance dans sa lecture, plus
l'effet comique s'estompe pour laisser place à. une belle histoire d’amour entre Takeo et l’héroïne
Yamato, tout à fait dans les canons du manga shôjo. Boy meets girl, ils essayent de diminuer la
distance entre eux, timidement et maladroitement. Mais justement ce boy était un gorille...

(une page de ce manga : la disposition et la superposition des vignettes sont typiquement shôjo,
ainsi que l’absence de marge entre chaque vignette)

Le personnage de Takeo est un l'idéal du manga shônen, c'est un judoka, physiquement très fort,
gentil avec tout le monde, qui respecte ses amis... ce sont des qualités nécessaires pour être le héros
d'un shônen. Il faut aussi parler du titre du manga : Ore est un pronom personnel qui désigne « je »
et est utilisé par les locuteurs masculins. Tout ce qui est derrière ce mot représente l' idéal masculin.
(http://sukinanihongo.blogspot.fr/2012/02/toutes-les-facons-de-dire-je.html)

Aruko et Kazune Kawahara, deux dessinatrices déjà connues par leur travail individuel dans le
domaine du shôjo, essayent d'intégrer l'idéal du shônen, incarné par Takeo, dans un manga shôjo.
Le manga shôjo est un monde fermé, mais en intégrant les valeurs du shônen Ore-monogatari
devient plus universel. Il est peut-être un peu trop tôt pour considérer ce manga comme un chef-
oeuvre du manga shôjo (la série commence à peine , le second volume vient de sortir au Japon),
mais il peut néanmoins attirer l’attention d’un lecteur masculin japonais qui n’aime pas forcément
les manga shôjo (malheureusement c’est souvent le cas) et on attend impatiemment la suite (celle
de l’histoire et la réaction des lecteurs masculins). Ajoutons que, bien sûr , en tant que manga
shôjo, Ore-monogatari est bien construit, bien dessiné, et sa qualité va satisfaire les exigences des
amatrices de shôjo.

Quand un Shônen rencontre une Shôjo : Ore-monogatari !!

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