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Le Blog de Manganist
10 novembre 2012

La profondeur du manga shôjo et le visage simplifié : Hirunaka no ryûsei

 

 

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Il y a quelque mois, dans mon premier article sur Kimi ni todoke, j’ai essayé d’analyser le manga shôjo et de dégager les caractéristiques de ce genre de manga : l’utilisation massive de vignettes incrustées dans des vignettes plus grandes, la présence de paroles non cadrées et suspendues dans l’air, l’absence d’espace blanc entre les vignettes (la démarcation se fait par une simple ligne), des dessin de personnage qui dépassent la ligne de démarcation entre les vignettes, etc.

Tous ces procédés sont mobilisés pour empêcher la compréhension linéaire du récit et déstabliser le cours du temps interne du récit. Et en même temps le manga shôjo défie la notion d'individu au sens moderne, car dans ce genre de manga, beaucoup de paroles ne sont attribuées à personne. L’accumulation de paroles non associées aux personnages contribue à une déconstruction de l’individualité stable du personnage.

La profondeur des manga shôjo n’est pas au niveau du récit (la plupart racontent une histoire d’amour dont la fin est prévisible), mais au niveau de l’expression graphique. Ce qui compte dans le shôjo est l’impression donnée par chaque instant, plutôt que l’ensemble dans sa durée.

Hirunaka no ryûsei (L’étoile filante en plein jour) est un shôjo publié dans le magazine Margaret depuis 2011 et toujours en cours, dont la version française n’est pas (encore) disponible. Ce manga est un exemple typique de manga shôjo. Si vous voulez connaître l’histoire, sachez que l’héroine quitte son pays natal pour venir habiter à Tokyo, qu'elle rencontre un homme à la sortie de la gare, et que cet homme s'avère être le professeur du lycée qu’elle doit fréquenter... Il n’y a pas de nouveauté, pas de surprise au niveau du récit. C’est exactement ce qu’on attend d’un manga shôjo...Boy meets girl...enfin, le sujet que le manga shôjo ne se lasse jamais de traiter.

Mais ce qui attire notre attention dans ce manga shôjo c'est l’utilisation particulière du visage simplifié. L’emploi du visage simplifié est en soi assez fréquent dans le manga japonais, mais normalement ce genre d’expression est utilisé pour obtenir un effet comique, dans une vignette relativement petite. Par exemple, dans le manga shônen, l’emploi du visage simplifié est toujours motivé par l’effet comique.

Mais dans Hirunaka no ryûsei l'utilisation du visage simplifié diffère non seulement de celle des manga shônen, mais aussi des autres manga shôjo. D'une part, l’emploi de cette expression graphique ne dépend pas de la taille de la vignette, contrairement au manga shôjo qui utilisent ce procédé dans des vignettes relativement petites. Donc le choix entre le visage normal et le simplifié nous paraît arbitraire. D'autre part, dans ce manga, la vignette avec le visage simplifié n'est pas forcément plus comique que celle avec le visage normal. Enfin, il est parfois complété par d’autres expressions, comme la sueur par exemple. 

 

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(Tome 2, p.13 : l’héroïne est dessinée avec un visage simplifié, mais le personnage à côté a un visage normal, et la présence de la sueur complète la signification de ce visage simplifié. L’héroïne est forcée de dire des choses qu’elle ne pense pas vraiment, par la fille qui se trouve à côté d’elle)

Ici, le visage simplifié n'a donc pas en lui-même de signification particulière, et c’est la présence de la sueur qui fixe définitivement le sens de cette expression. L’héroïne est ici comme un automate qui dit des choses déjà programmées, et c’est pour cela qu’elle perd son visage normal. Dans ce manga, il y a beaucoup de vignettes avec des visages simplifiés, mais ces derniers ont un sens différent à chaque fois et ne peuvent jamais être réduits à une interprétation préétablie.

Pour ma part, je trouve que l’héroïne est toujours mignonne, qu'elle ait un visage normal ou un visage simplifié...

 

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