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Le Blog de Manganist
4 novembre 2012

La sensation est un tableau: Kami no shizuku (Les gouttes de Dieu)

 

Kami no Shizuku v01 RAW 001

 

Alors que la BD franco-belge se veut avant tout oeuvre d’art,une des caractéristiques du manga japonais est son côté instructif et éducatif. Même si tous les manga japonais n'ont pas pour but d'instruire, il y a des manga dont le but est d'explorer un domaine spécifique en y initiant le lecteur.

Kami no shizuku (Les gouttes de Dieu, scénario de Tadashi Agi, et dessin de Shû Okimoto) est un manga seinen dont le personnage principal est le fils d’un sommelier très célèbre, qui reprend le métier de son père. L’intrigue est toujours autour du vin, et les connaissances relatives aux domaines et aux producteurs jouent un rôle très important dans le récit. L'étalage de connaissance sur le vin est au coeur de l’œuvre.

Les derniers dix pages de ce manga sont dépourvues de dessin et constituent un catalogue sur le vin, les caractéristiques de chaque domaine, etc. Cette partie est purement instructive et il n’y a rien à voir avec l’intrigue.

Dans ce genre de manga, dont le côté instructif est important, le langage joue un rôle plus important que d’autres manga. Parce que ce qui est important est dit et non dessiné. De toute manière le dessin est impuissant pour exprimer le goût, l’odeur et la couleur de vin. Ce genre de choses doit être exprimé par le langage.Dans ce manga le dessin n’est qu’un support pour l’étalage de connaissance. Dans tous les manga le langage est important (il y a des manga muets ou des séquences muettes, mais dans ce cas l'absence de langage est utilisée pour créer un effet spécifique ), mais ce manga s’appuie particulièrement sur le pouvoir du langage.

En admettant que la sensation que donne le vin ne peut être exprimée que par le langage, nous allons voir comment le dessin fonctionne dans ce manga, dans un art séquentiel.

Quand le héros goûte du vin, il voit un paysage.

 

02_187-188

(Tôme 2, p.p. 187-188)

Il y a donc un arrêt dans le cours du temps. Dans cette page il n’y a pas de bulle, pas de réplique, enfin pas de langage. Il peut y avoir un personnage dans ce paysage, mais il fait lui aussi partie du décor. Quand le lecteur tombe sur cette page où il n’y a pas de langage, c’est un moment de libération par rapport à la logique du récit, purement langagière. Il peut vivre la sensation que le héros a vécu durant ce temps suspendu. Au moment où le lecteur le rencontre pour la première fois, ce paysage est affranchi du langage.

Mais il est immédiatementrécupéré par ce dernier, puisque le personnage explique par la parole ce qu'il a ressenti au moment de dégustation, les sensations qu'il exprime correspondant au paysage. Ainsi la signification de ce paysage diffère avant et après l'explication par la parole. Avant d’être récupéré par le langage, le paysage n'est pas un simple support et il possède sa propre valeur esthétique, mais une fois l'analyse faite, il devient un signe langagier qui n’a pas d’indépendance par rapport au récit.

Néanmoins, par convention, le lecteur est conscient que ce paysage exprime les sensations du héros . Son statut devient donc ambigu, car il est omniscient, capable de décoder le sens de cette page de paysage, et de vivre en même temps ce qu'a ressenti le héros.

Le lecteur sait qu'en lisant, les sensations du héros vont être exprimées à la prochaine vignette, mais ne sait pas quelle forme cela peut prendre.

Moi il ne m’est jamais arrivé qu’un paysage se présente dans ma tête en buvant du vin. Je ne suis pas poète...

 

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